Biodiversité...

 

Effets toxiques du glyphosate et du Roundup sur l’environnement

Que devient le glyphosate dans le sol et dans l'eau ?

Sa persistance est en fait très variable. Selon les sols et les situations, la demi vie de la quantité appliquée a été évaluée à 3 jours dans certains sols (Texas), à 141 jours dans d'autres (Iowa) et même à 296, 335 et 360 jours dans des sites forestiers (Finlande, Ontario, Colombie britannique). La persistance la plus longue a été signalée dans des sites forestiers en Suède : de 1 à 3 ans. Le glyphosate serait adsorbé sur les particules des sols, à partir desquelles, suivant les conditions, il peut se désorber rapidement, d'où la variabilité de sa persistance.

Outre la présence du glyphosate dans des cours d'eau ou étangs, suite au contrôle de la végétation aquatique, l'herbicide peut provenir de zones agricoles voisines. A partir d'un sol traité au glyphosate, puis lessivé par l'eau, la matière active est désorbée et se retrouve dans les eaux de surface ou souterraines. De nombreux cas de contamination d'étangs, puits, rivières proches de terrains agricoles ont ainsi été relevés en Hollande et aux Etats Unis. La persistance du glyphosate dans l'eau est nettement plus courte que la persistance dans les sédiments.

Faune menacée

Des insectes sont sensibles au Roundup en poudre (notamment une guêpe parasite et une abeille prédatrice). La destruction de la végétation par l'herbicide (disparition de l'habitat et de la nourriture) est également défavorable pour une série d'insectes, tel que le grand Carabe et des insectes herbivores. La raréfaction de ces insectes se répercute chez leurs prédateurs, oiseaux et petits mammifères.

D'autres invertébrés sont touchés par les traitements au Roundup : des araignées, des organismes producteurs de l'humus (cloportes, …), des microorganismes du sol (bactéries, champignons, actinomycètes), des organismes aquatiques (comme les daphnies). Les vers de terre sont également sensibles : l'application de faibles doses, toutes les deux semaines, entraîne une réduction de croissance et une augmentation de la mortalité.

S.O.S.Amphibiens

PAN Belgium

 

Les abeilles malades de l'homme

Francesco Panella se remémore très bien le jour où il a découvert cinquante de ses plus belles ruches désertées par leurs occupantes. "C'était le 28 avril, raconte-t-il dans un excellent français ourlé d'accent italien. Cela faisait plusieurs jours que j'étais complètement débordé, je recevais sans cesse des appels de mes collègues." M. Panella est président du Syndicat des apiculteurs professionnels italiens. Ses interlocuteurs lui décrivent le même étrange phénomène. Les ruches, qui débordaient d'abeilles au sortir de l'hiver, se sont brutalement vidées. Personne n'y comprend rien.

M. Panella fonce jusqu'à l'un de ses ruchers, près du fleuve Ticino, dans la région de Milan. Là aussi, les butineuses se sont volatilisées. "Elles étaient les plus populeuses de toutes ! s'exclame-t-il, encore secoué d'émotion. En trente ans de métier, je n'avais jamais vu ça." Pendant deux heures, il tourne en rond, passe en revue toutes les explications rationnelles, mais rien ne colle. "Je me suis assis, j'ai fumé une cigarette, et je me suis dit : "Quel con !" C'est la même chose que chez les autres ! Je ne pouvais pas croire que ça m'arriverait à moi."

Ce sentiment d'incrédulité, beaucoup d'apiculteurs l'ont ressenti depuis quelques années. Partout ou presque, les abeilles meurent dans des proportions trop importantes. Certes, l'ampleur des pertes varie d'une région du monde à l'autre et d'une année sur l'autre. La saison et les circonstances ne sont pas toujours identiques. Mais c'est bien le même phénomène qui se produit, "sur une large échelle", précise Peter Neumann, du Centre agroscope Liebefeld-Posieux. Installé à Berne, la capitale de la confédération helvétique, cet institut assure la coordination du groupe de travail européen sur la prévention des mortalités. " Quelque chose est en train de dérailler" estime notre spécialiste. "Cela a lieu de plus en plus souvent et dans des proportions plus importantes."

Aux Etats-Unis, où l'on parle de "syndrome d'effondrement des colonies", quelque 25 % du cheptel auraient disparu au cours de l'hiver 2006-2007. En Europe, la France, la Belgique, l'Italie, l'Allemagne, la Suisse, l'Espagne, la Grèce, la Pologne, les Pays-Bas ont été touchés depuis le début des années 2000. Les pertes peuvent atteindre, localement, jusqu'à 90 % des colonies. "Il est possible que cela se produise dans d'autres régions du monde, mais nous manquons de données", ajoute M. Neumann.

Tout allait pourtant pour le mieux depuis des millions d'années. Rien n'était venu déranger le tête-à-tête évolutif entre les plantes à fleurs, rivalisant d'éclat auprès des insectes pollinisateurs, et les abeilles, qui puisaient le nectar entre leurs pétales. Leurs vies se passaient immuablement, dans une troublante soumission aux lois de la ruche, où il n'est d'autre destin possible que travailler à la perpétuation de l'espèce. L'homme est-il en train de tuer à petit feu l'industrieux insecte qu'il a tant bien que mal domestiqué depuis l'Antiquité ? "Nous n'avons pas la clé du mystère, il y a un élément que nous ne comprenons pas, prévient Jean-Daniel Charrière, chercheur au Centre de Berne. Nous n'aimons pas être dans l'inconnu. Pourtant, avec les abeilles, nous le sommes souvent." Dans l'incertitude, les spécialistes en sont réduits à énumérer toutes les causes de mortalité possibles.

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Un temps envisagée, la piste des ondes électromagnétiques est écartée. Les OGM, en revanche, figurent toujours sur la liste des suspects. Selon une étude publiée dans la revue Science du 8 juin, les cultures transgéniques ont cependant un effet moins important sur les abeilles que les champs traités aux pesticides. Et l'hypothèse OGM ne peut expliquer les mortalités en Europe, où les surfaces plantées sont très faibles.

Restent deux pistes privilégiées : les maladies, virus, parasites et autres champignons, d'un côté. La dégradation générale de l'environnement - changements climatiques, raréfaction des fleurs et surtout surdose de produit chimiques -, de l'autre. Peut-être tout cela à la fois. "On peut supporter séparément une maladie, une mauvaise alimentation, un empoisonnement aux pesticides, mais quand tous les facteurs se conjuguent, il arrive un moment où la limite de résistance est atteinte", explique M. Neumann. Pour les apiculteurs, l'abeille est une "sentinelle", une "sonnette d'alarme", le témoin de dérèglements invisibles à nos yeux. Une chose est certaine, au bout de toutes les pistes, c'est toujours l'homme que l'on retrouve.

Jean Brun pose sur sa table de cuisine un lourd traité apicole, daté de 1931, soigneusement protégé d'un tissu à fleurs. Son grand-père Antoine y pose fièrement. C'est lui qui a offert à Jean, pour ses 12 ans, son premier enfumoir. Cinquante ans plus tard, l'homme a le visage brûlé par le soleil et les traits tirés. Il n'a pas dormi de la nuit. Il a fallu emporter des ruches près de champs de lavande situés à des dizaines de kilomètres de Saint-Rémy-de-Provence, où la famille est installée.

Chaque année au printemps, les apiculteurs sillonnent les routes. C'est la "transhumance", la grande quête des fleurs. Les plus communes (colza, tournesol) donneront les "miels de France". Les plus nobles, les plus rares, prodigueront leur arôme à ces miels d'acacia, de romarin, de ronce, ou d'arbousier que les apiculteurs vous font déguster, l'oeil étincelant, comme des viticulteurs leur dernier cru.

Le métier a bien changé depuis que l'aïeul Etienne Brun s'est lancé, vers 1870. A l'époque, les colonies d'abeilles, élevées dans des troncs d'arbres, sont asphyxiées en fin de saison et la délicate cité de cire écrasée pour en extraire le miel. L'adoption de la ruche à cadres mobiles, qui permet de récolter sans anéantir la colonie, marque la naissance de l'apiculture moderne, dans la première moitié du XXe siècle.

Jusqu'aux années 1960, tout était très simple. "On ne bougeait pas les ruches, il y avait des fleurs à Saint-Rémy, raconte Jean Brun. On posait les hausses où les abeilles stockent le miel au printemps, et on récoltait 40 kg."

Sans efforts. Puis les cultures de légumes ont recouvert la région. Ailleurs en France ce furent le blé, le maïs, le tournesol. La transhumance commença, le grand jeu de cache-cache avec les pesticides aussi. "Ils sont arrivés dans les années 1970, on s'est pris de sacrées raclées", se souvient Jean Brun. Cela continue. L'an dernier, il a perdu quatre-vingt six colonies. "Le voisin avait traité ses pommiers, il n'y avait pas de fleurs sur les arbres, mais au sol, oui, et les abeilles ont dérouillé." L'année précédente, c'était "à cause d'un mariage". "Quelqu'un ne voulait pas de moustiques à la noce de sa fille. Après le traitement, il n'y a plus eu ni moustiques ni abeilles."

A force, les apiculteurs dessinent leur propre cartographie du territoire. Il y a les zones "sûres" et les zones "à risque". Ils descendent dans le détail, à la parcelle. "La quantité de traitements peut être divisée au moins par deux selon les agriculteurs, relève Norbert Maudoigt, 49 ans, un voisin de Jean Brun. Cela dépend de leur âge, de leur caractère, s'ils sont plutôt inquiets ou pas, s'ils écoutent le commercial qui leur vend les produits, s'ils y consacrent vraiment du temps." Les confrontations "d'homme à homme" ne manquent pas. Mais rares sont ceux qui condamnent en bloc l'agriculture. "Je ne peux pas en vouloir à des gens qui sont piégés, dit Jean-Claude Canac, apiculteur à Servian, dans l'Hérault. On a dit aux agriculteurs d'être productifs pour pas cher, on les a payés pour arracher les zones dont ont besoin les abeilles."

Dans la guerre chimique menée par l'homme aux insectes ravageurs des cultures, les armes ont évolué. De plusieurs kilos de matières actives à l'hectare, on est passé à quelques dizaines de grammes. Mais les abeilles ne semblent pas s'en porter mieux. "Avant, on avait surtout des paquets d'insectes morts devant les ruches, maintenant c'est de plus en plus diffus, de plus en plus sournois, constate Norbert Maudoigt. Les produits leur bousillent le sens de l'orientation, elles meurent à l'extérieur de la ruche. Nous, on voit qu'il manque du monde, mais comme on n'a pas d'abeilles mortes, c'est difficile d'apporter la preuve."

La route qui conduit chez Martin Machado, dans le Cher, est monotone. Du blé, encore du blé, toujours du blé, c'est le royaume des grandes cultures : céréales, colza, tournesol. Le temps est mauvais, les abeilles agressives. Elles fondent sur l'intrus, crépitant contre sa combinaison de coton et son voile protecteur. "Voilà des ruches populeuses, lance Martin Machado. Il y a quelques années, quand je les portais sur le tournesol, au bout d'une semaine, je pouvais me promener torse nu dans le rucher."

Cela fait quinze ans que Martin Machado a choisi ce métier de "caractériel autodidacte", dit-il en souriant. Au début, 10 % des abeilles mouraient chaque année. Le taux est passé à 25 % ou 30 %. Les récoltes se sont effondrées. Certains apiculteurs ont lâché prise. Les autres ont pris l'habitude de compenser les pertes tous les ans en achetant des reines. Cette année, le taux de mortalité est revenu à la normale. L'apiculteur pense que la suspension des insecticides Gaucho et Régent a joué un rôle, mais il ne crie pas victoire. "C'est encore trop tôt pour dire qu'on est tirés d'affaire, prévient-il. Le problème, c'est que nous ne sommes plus maîtres de rien." Les cultures changent, les molécules changent. "Et en plus, maintenant, on a les facteurs climatiques qui viennent se greffer à tout le reste." La pluie et le soleil ne viennent plus jamais quand on les attend, déréglant la mécanique de précision de la ruche.

Les apiculteurs sont aussi aux prises, depuis le début des années 1980, avec un parasite répondant au nom évocateur de Varroa destructor. Rond, rougeâtre, l'acarien - de 1 à 2 millimètres de longueur - suce l'hémolymphe des abeilles, l'équivalent du sang. C'était, à l'origine, un parasite de l'abeille asiatique, Apis ceranae. Cette dernière s'en était accommodée, développant la pratique de l'épouillage. L'histoire dit que l'acarien a été introduit en Europe au début des années 1980, par la faute de chercheurs allemands ayant importé des reines asiatiques. Mais il était présent en Russie au début des années 1950. Il a aussi voyagé au gré des échanges commerciaux de reines entre continents.

Cas d'école de ce que les scientifiques appellent les espèces "envahissantes", le "vampire de l'abeille" a rapidement conquis tous les continents. En dehors d'Apis ceranae, aucune espèce ne possède de parade contre lui. Sans traitement acaricide - souvent des produits chimiques - les ruches s'étiolent. Les apiculteurs parlent tous de l'époque "d'avant le varroa" comme d'un paradis perdu.

Les ruches de Boris Bachofen ne lui ont pas échappé. Elles hivernent dans un environnement des plus accueillants : un paisible verger du canton de Neuchâtel, en Suisse, où sont conservées cent soixante-quatorze variétés anciennes de poiriers. "Ici, ce n'est pas très chargé en produits chimiques", constate le jeune apiculteur. Pourtant l'année dernière, les trois quarts des colonies ont été anéanties. "Je n'ai rien fait de spécial, j'ai traité contre le varroa deux fois l'été et une fois l'automne. Mais peut-être que ce qui était suffisant avant ne l'est plus aujourd'hui", avance-t-il. Les scientifiques pensent que le varroa pourrait aussi transmettre des maladies aux abeilles.

L'abeille domestique est-elle une espèce en danger ? On n'en est pas là. Mais son sort a de multiples raisons d'inquiéter. "C'est une pollinisatrice particulièrement efficace, explique Bernard Vaissière, qui dirige le laboratoire de pollinisation entomophile à l'INRA d'Avignon. Et elle est en train de disparaître de régions entières." Voyant leurs ruches péricliter, les petits apiculteurs amateurs, qui contribuaient à maintenir partout la présence de l'espèce, sont de moins en moins nombreux.

Or la survie de 80 % des plantes à fleurs et la production de 35 % de la nourriture des hommes dépendent de la pollinisation. Aux Etats-Unis, ce marché a été évalué à 15 milliards de dollars. Certes, ni le blé, ni le riz, ni les pommes de terre n'ont besoin d'abeilles. Mais imagine-t-on un monde sans fruits, sans légumes et sans fleurs ? Circonstance aggravante, les autres pollinisateurs ne s'en tirent pas mieux. "On a toutes les raisons de penser que quand l'abeille domestique a des soucis, c'est pire pour les espèces sauvages, car la colonie a un effet protecteur", explique Bernard Vaissière. Les spécialistes de l'abeille se sentent un peu seuls. Nous vivons dans une société "insectophobe", dit Francesco Panella. Pourtant, sans les insectes, rien ne marche. Ils sont la colonne vertébrale des écosystèmes terrestres. "Ce sont les grands oubliés du monde animal, déplore Marie-Pierre Chauzat, membre de l'équipe abeille de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). Ils n'ont pas les grands yeux du panda, les belles plumes des oiseaux, la jolie fourrure des bébés phoques."

    Gaëlle Dupont, le Monde,

    30. 08. 2007.

Un virus soupçonné de tuer les abeilles

En répertoriant tous les micro-organismes présents chez les insectes malades aux États-Unis, un microbe potentiellement coupable a été mis en évidence.

 
Dans presque toutes les régions du monde, les abeilles se portent mal. Le syndrome d'effondrement des colonies ou CCD (colony collapse discorder) qui frappe les États-Unis est apparu à la fin 2006. Il s'est rapidement répandu dans plusieurs régions (nos éditions du 2 mai 2007). Les pertes de colonies d'abeilles sont estimées entre 50 % et 90 % dans les zones touchées. Les symptômes sont chaque fois les mêmes : les ouvrières chargées de collecter le nectar et le pollen sur les fleurs ne reviennent pas, mais il n'y a pratiquement pas d'abeilles mortes au pied ou à l'intérieur de la ruche. Six mois à peine sont passés et les premiers résultats commencent déjà à sortir dans les revues scientifiques internationales.
 
Piste toxicologique
 
Une première étude sort aujourd'hui dans la revue Science, qui affirme avoir trouvé une forte corrélation entre le CCD et un nouveau virus pathogène identifié pour la première fois en 2002 en Israël, baptisé depuis le virus de la paralysie aiguë israélienne ou IAPV. Ce résultat a été obtenu en séquençant l'ARN des micro-organismes présents sur des abeilles saines de Pennsylvanie et d'Australie et des abeilles victimes du CCD en Californie ainsi que dans des pots de gelée royale produite en Chine. Un énorme travail qui a mobilisé pas moins de dix laboratoires parmi les meilleurs dans leur domaine. La première vraie leçon de cette étude, c'est que les abeilles sont pleines de bactéries, de champignons, de virus et que ces derniers sont communs aux abeilles domestiques (Apis mellifera) de nombreuses régions du monde.

Les résultats sont significatifs. Dans tous les échantillons récupérés sur des colonies malades sauf un, l'IAPV est présent. Enfin, 100 % des échantillons ayant quatre des principaux virus ou champignons pathogènes dont l'IAPV sont atteints de CCD. Mais les chercheurs se montrent néanmoins prudents : il n'y a pas pour eux de relation causale directe. Ils préfèrent dire que « l'IAPV est un bon marqueur du CCD ». C'est aussi le point de vue de Freddie-Jeanne Richard, de l'université de Caroline du Nord (États-Unis). « C'est peut-être la réunion de plusieurs pathogènes qui tuent la colonie et pas un en particulier », affirme Joachim de Miranda, de l'université d'Upsala en Suède.

De nombreuses questions se profilent à l'horizon, mais des éléments importants ont déjà été apportés par Ilan Sela, le chercheur israélien de l'université de Jérusalem qui a découvert l'IAPV alors que les colonies étaient décimées dans son pays. Il devrait publier prochainement dans le Journal of General Virology une étude où il montre que si on inocule l'IAPV à des abeilles, elles meurent au bout de deux jours. De même, si on leur donne du sucre contaminé par le virus, elles finissent par être paralysées et mourir.
 

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L'origine de l'IAPV reste pour l'instant une énigme, mais le fait que les échantillons d'abeilles australiennes non atteintes par le CCD soient infectés par l'IAPV pourrait constituer une piste. En effet, le virus pourrait provenir de cette région du monde, la seule à être épargnée par le varroa, un redoutable accarien parasite, et il aurait muté et serait devenu plus virulent au cours de ses déplacements. Yves Le Conte, de l'Inra (Avignon) s'interroge sur ce point comme beaucoup d'autres spécialistes. Il faut savoir, en effet, que les reines d'abeilles australiennes sont commercialisées aujourd'hui dans le monde entier.

Les virus évoluent très rapidement chez les abeilles. Ilan Sela a montré dans une étude récente (Virology, 362, 2007) qu'un tiers des abeilles en Israël ont développé des résistances contre l'IAPV.

Évidemment, l'étude de Science ne va pas manquer de susciter de nombreux commentaires dans notre pays et pas seulement dans les milieux apicoles. En effet, les mortalités qui ont frappé les abeilles en France au début des années 1990 ont tout de suite été attribuées à deux insecticides : le Gaucho et le Régent. Il n'y a pas eu réellement de recherches sur les causes des mortalités d'abeilles. La piste toxicologique a été la seule explorée. Elle a abouti à l'interdiction des produits sans pour autant que les études parviennent à trancher sur la responsabilité des insecticides.

Le fait que la recherche américaine se mobilise sur le CCD et le récent séquençage du génome de l'abeille devraient apporter beaucoup de nouvelles données dans les prochaines années. Ainsi, les chercheurs viennent de montrer qu'un champignon parasite de l'abeille (Nosema ceranae) est présent depuis plusieurs années aux États-Unis sans causer pour autant de dégâts sur les colonies. Or ce champignon découvert il y a peu par des chercheurs espagnols avait été immédiatement pressenti comme la cause probable des malheurs des abeilles européennes et françaises.

Yves Miserey, Le Figaro,

07 .09. 2007.

Pour survivre, des papillons ont évolués en un clin d'ailes 

On considère souvent l'évolution comme un phénomène lent qui s'échelonne sur plusieurs milliers, voir plusieurs millions d'années.
Mais quand la survie d'une espèce est en jeu, elle peut être beaucoup plus rapide!
C'est ce que montre l'étude menée par Sylvain Charlat, biologiste à l'université College de Londres, sur les Hyponimnas bolina, des papillons des îles Samoa, en Polynésie.
Infectées par une bactérie mortelle qui s'attaque sélectivement aux embryons masculins, les populations de bolinas des îles Upolu et Savaii semblaient très menacées, puisqu'elles n'étaient plus composées en 2001, que de 1% de mâles.
Pourtant les nouvelles mesures effectuées en 2006, c'est-à-dire à peine dix générations plus tard, montrent un ratio mâles/femelles redevenu presque normal.
Un rebon positif pour les mâles, qui serait dû à l'apparition et à la transmission d'un gène les protégeant de la bactérie.
Les chercheurs vont tenter de localiser ce gène.

Aberration - Maniola jurtina - Zoom

    C.H. Sciences&Vie n°1080,

    Septembre 2007

Les coléoptères aident les forêts à se régénérer après un feu

Après un incendie, rien de mieux que le longicorne noir, insecte xylophage largement répandu dans les forêts de conifères d'Amérique du Nord, pour remettre la forêt d'aplomb. En réalité "ce sont ses déjections qui, en réapprovisionnant le sol en nutriments et en augmentant l'activité microbienne du sol, permettent aux arbres de se régénérer", explique Tyler Cobb, de l'université d'Alberta (Canada), qui conseille de laisser les arbres morts en place pour que ces bienfaisants coléoptères les colonisent.

    C.H. Sciences&Vie n°1085, Février 2008

Le mystère de la disparition des abeilles reste entier

Ce n'est pas la solution définitive au mystère des disparitions d'abeilles, mais une "brique supplémentaire" dans la connaissance du phénomène, selon Philippe Vannier, directeur de la santé animale à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). L'Afssa a publié, vendredi 15 février, les résultats d'une étude menée pendant trois ans sur 120 colonies d'abeilles, réparties dans cinq départements (Eure, Gard, Gers, Indre et Yonne). L'objectif était de tenter de quantifier et d'expliquer les importantes mortalités d'abeilles signalées par de nombreux apiculteurs depuis le milieu des années 1990.

Plusieurs causes peuvent être envisagées : maladies, parasites, mauvaises pratiques apicoles ou exposition aux pesticides - les abeilles manquant d'enzymes de détoxication. L'usage de l'insecticide Gaucho, incriminé par les apiculteurs, est suspendu depuis 1999 sur le tournesol et depuis 2004 sur le maïs. Le Régent (fipronil), également suspecté, est suspendu depuis 2004.

Les ruches ont été visitées quatre fois par an entre 2002 et 2005. Or, aucun effondrement de population n'a été constaté. La mortalité est restée inférieure à 10 %, un taux jugé normal. Elle découlerait des maladies ou des parasites. Une affection comme la loque a causé une disparition rapide des colonies touchées. La mort a été différée quand le parasite Varroa destructor, a été repéré dans la ruche.

Selon l'Afssa, les pratiques apicoles sont déterminantes. Même s'ils savaient qu'un biais serait introduit dans leur étude, les scientifiques ont choisi de conseiller les apiculteurs sur les traitements à suivre, en particulier pour éradiquer le Varroa, ce qui pourrait expliquer la faible mortalité constatée.

Dans le même temps, l'étude met en évidence la présence de nombreux pesticides dans les ruches, à des doses extrêmement faibles. Au total, 41 molécules chimiques été ont recherchées, dont le fipronil et l'imidaclopride, la molécule active du Gaucho. Aucune relation statistique significative entre la présence de résidus et les mortalités n'a été mise en évidence.

Des échantillons d'abeilles, de cire, de pollen et de miel ont été analysés. Ils ont été considérés comme positifs quand la valeur dépassait la limite de détection. Parmi les échantillons de pollen analysés, 57,3 % ont dépassé la limite de détection pour l'imidaclopride. Les échantillons positifs contenaient en moyenne 0,92 microgrammes par kg (1 microgramme égale 0,000 000 001 kilo). 29,7 % des échantillons de miel contenaient de l'imidaclopride, à hauteur en moyenne de 0,73 microgramme par kg. 26,2 % des abeilles analysées en contenaient également.


"ELÉMENTS OBJECTIFS"

D'autres pesticides ont été détectés. Parmi eux, le fipronil (12,4 % des échantillons de pollen) ou le lindane, pourtant interdit. Le coumaphos a aussi été repéré (dans 8,5 % des échantillons de miel, et 4,6 % des abeilles). Cet acaricide est utilisé par les apiculteurs pour lutter contre le Varroa, dans des quantités trop importantes, estime l'Afssa, qui y voit une explication possible de l'affaiblissement des reines rapporté par les apiculteurs.

Pour Philippe Vannier, ces résultats ne peuvent être extrapolés et ne permettent pas de trancher sur l'impact des pesticides présents dans l'environnement sur la santé des abeilles, ou sur les éventuelles synergies entre pesticides et maladies. "Ils n'ont de valeur que pour l'échantillon considéré, qui est faible, affirme le scientifique. Mais (l'étude) apporte des éléments objectifs et précis dans un dossier où ils font défaut."

Claudius Thiriet/GAMMA - Zoom

    Concernant la disparition des abeilles, plusieurs causes peuvent être envisagées : maladies, parasites ou mauvaises pratiques apicoles.

    Gaëlle Dupont, le Monde,

    19. 02. 2008.