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 Pourquoi avons-nous peur des serpents

L'histoire a eu raison des excès polémiques qui, avec le recul, paraissent totalement disproportionnés avec ce qu'a écrit Edward Wilson. La science a amplement confirmé ce que le bon sens laissait pressentir: malgré l'originalité exceptionnelle que représentent le langage et la culture de l'Homo sapiens, notre espèce n'a pas rayé en l'espace de quelques dizaines de millénaires les milliards d'années d'évolution qui ont précédé son émergence!

Pour le faire comprendre, Edward Wilson aime prendre des exemples simples. Comme celui-ci: pourquoi la phobie des serpents et des araignées est-elle universelle, alors que les voitures et les prises électriques, autrement plus dangereuses pour l'homme moderne, ne soulèvent aucune répulsion particulière ? La seule explication possible est une prédisposition innée: dès l'enfance, il suffit d'une expérience malheureuse de morsure ou d'un récit effrayant pour que l'esprit prenne durablement en aversion ces animaux, au point de provoquer chez certains des comportements physiologiques irrépressibles comme l'accélération du rythme cardiaque, les sueurs froides, les nausées, la panique, la surexcitation du système nerveux autonome. Ces réactions s'expliquent à leur tour par le danger que représentent depuis des millions d'années ces espèces venimeuses présentes sur tous les continents, à l'exception des terres glacées. Cette prédisposition biologique n'est pas sans effet sur notre culture: la fascination -répulsion- à l'égard du serpent se retrouve dans d'innombrables récits littéraires et religieux à commencer, bien sûr, par la Genèse.

Dossier BIOsciences n°6.

 

Pour ou contre la véracité de la Genèse:
Ce que l'historien sacré dit de la tentation d'Eve et de ses suites a fourni aux incrédules de quoi exercer leur malignité. Cette narration leur paraît renfermer plusieurs absurdités: que le serpent soit le plus rusé de tous les animaux; qu'il ait une conversation avec la femme, et qu'elle se soit laissé tromper; qu'il soit plus maudit que les autres animaux, pendant qu'il y a des peuples qui lui rendent un culte; qu'il n'ait ramper sur son ventre que depuis ce temps là; qu'il mange de la terre, etc. Est il vrai (que le récit de Moïse) renferme des absurdités ?

1 - Nous ne connaissons pas assez les différentes espèces de serpents, pour savoir jusqu'à quel point ces animaux sont rusés et industrieux; ceux qui entendent parler des oeuvres des castors pour la première fois sont tentés de prendre pour des fables ce que l'on en raconte.

2 - Il est constant que ce fut le démon qui emprunta l'organe du serpent pour converser avec Eve, et cette femme n'avait pas encore assez d'expérience pour savoir si un animal était capable ou incapable de parler.

3 - Il n'est pas moins vrai qu'en général nous avons horreur des serpents, et qu'il n'y a qu'une longue habitude qui puisse accoutumer les peuples à demi sauvages à se familiariser avec quelques espèces de ces animaux.

4 - Si l'on en croit les voyageurs et les naturalistes, il y a des serpents ailés qui s'élèvent dans les airs; il n'est donc pas certain que toutes les espèces aient toujours rampé sur leur ventre. On dit encore qu'il y a en qui sont d'une beauté singulière, et l'on en a vu de très apprivoisés. Enfin si les serpents ne mangent pas la terre, il semble du moins avaler la poussière et les ordures en cherchant les insectes dont ils se nourrissent. Il n'y donc rien d'absurde ni de ridicule dans la narration de Moïse.

Nicolas Sylvestre Bergier,

Dictionnaire de théologie dogmatique (article Adam), 1788.

Dieu punissant le serpent de la faute qu'il a commise, lui dit (Genèse, ch.3, v.24): "Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux de la terre, et tu marcheras sur le ventre." Et moi je demande à Dieu si le serpent marchait sur le dos avant qu'il eût fait cela.

Auguste Roussel,

Gros-Jean et son curé, 1882.

Nos ennemies les bêtes

Satan fait feu de tout bois : si l'homme, seule créature terrestre dotée d'une âme, reste sa cible privilégiée, il n'hésite pas à corrompre les animaux. Aucun n'est à l'abri de ses griffes et il entretient des affinités électives avec certains.

Le diable est, depuis la Genèse, assimilé au serpent. Un serpent qui, autrefois, marchait sur ses pattes, mais que Dieu a condamné à "marcher sur le ventre" et à "manger de la terre". Le diable, du coup, se sent très à l'aise avec les reptiles, avec tout ce qui rampe, ce qui grouille à terre ou fouit le sol, tout ce qui est répugnant et sent mauvais. Cette catégorie, qui n'a rien de vraiment scientifique, le rapproche de bien des animaux. Le démon fait en effet bon ménage avec la vermine : les vers, les crapauds, les puces, les araignées, les mouches (Belzébuth est le dieu des mouches) ; il se présente aussi comme le maître des rats, qui propagent la peste. Il affectionne enfin le bouc, dont il possède les attributs - le pied fourchu et les cornes mais aussi l'odeur infecte.

Le Maître des Ténèbres côtoie bien sûr les créatures de la nuit, celles qu'on ne voit pas, qu'on entend seulement, mais qui vous voient et vous épient. Pendant la nuit, l'homme doit laisser la place à d'autres prédateurs, inquiétants et maléfiques. Les rapaces, comme la chouette ou le hibou, sont depuis la nuit des temps des "oiseaux de mauvais augure". Au sens premier : leur chant lugubre annonce la mort, et c'est pour conjurer le mauvais sort qu'on les cloue, les ailes en croix, sur les portes des maisons. Et les chauves-souris n'ont pas meilleure presse. Même s'ils s'attaquent assez peu, voire pas du tout à l'homme, les loups, les renards et les chats sauvages appartiennent à la même catégorie des fauves nocturnes, dont le diable peut endosser la peau. Le démon aime enfin les animaux noirs, qui rappellent la couleur de son âme. (...)

Laurent Vissière, médiéviste,

Historia thématique N°98 nov-Déc.2005.

L'épopée de Gilgamesh -2600 // 2800 avant JC-
Texte établi d'après les fragments sumériens, babyloniens, assyriens, hittites et hourites, L'Epopée de Gilgamesh, vieille de trois mille ans avant Jésus-Christ est le plus ancien texte littéraire écrit pas les hommes et connu à ce jour.

[Outa-Napishtim à Gilgamesh : ] (...) « il existe une plante comme l'épine elle pousse au fond des eaux son épine te piquera les mains comme fait la rose si tes mains arrachent cette plante tu trouveras la vie nouvelle. »

Lorsque Gilgamesh entend ces paroles il ouvre le conduit qui rejoint les eaux profondes il attache de lourdes pierres à ses pieds et descend au fond des eaux où il voit la plante. Il prend la plante qui lui pique les mains il délie les lourdes pierres de ses pieds il sort du fond de la mer, sur le rivage. Gilgamesh dit à Our-Shanabi le batelier: « Our-Shanabi cette plante est une plante merveilleuse l'homme avec elle peut retrouver la force de la vie je vais l'emporter avec moi à Ourouk aux remparts. Je la partagerai avec les gens leur en ferai manger son nom sera: « le vieillard retrouvant sa jeunesse » Moi-même j'en mangerai à la fin de mes jours pour que ma jeunesse me revienne »

(...)

Gilgamesh voit un puits d'eau fraîche il descend pour se baigner un serpent sent l'odeur de la plante il se glisse, dérobe la plante et à l'instant perd sa vieille peau*. Gilgamesh s'assoit et pleure les larmes coulent sur ses joues à Our-Shanabi le batelier il dit : « Pour qui, Our-Shanabi, mes mains sont-elles devenues sans force? Pour qui ai-je versé le sang de mon coeur? Je n'ai fait aucun bien pour moi-même mais pour le serpent, lion de terre j'ai fait le bien! » (...)

Gilgamesh

*Le Serpent a pu, grâce à cette plante, renouveler sa jeunesse en quittant sa vieille peau chaque année. A partir de ce mythe il fut considéré par la tradition comme symbole de la régénérescence.

Traduit de l'arabe et adapté par Abed Azrié.

 

Les Erinyes

Filles de Gaïa, nées du sang versé par Ouranos lorsqu'il fut émasculé par Cronos, les Erinyes (ou Furies) incarnaient dans la mythologie grecque la conscience morale, le châtiment et la vengeance. Elles étaient trois:

William-Adolphe Bouguereau  

Gustave Doré

MEGERE - la jalousie

TISIPHONE - la vengeresse du meurtre

ALECTO - l'implacable

 

Les Erinyes étaient généralement représentées comme des déesses aillées à la chevelure de serpent dont les yeux dégouttaient de sang. Elles poursuivaient leur victime sans lui laisser aucun répit, jusqu'à ce que le coupable périsse dans la fureur, la folie et le remords. Leur puissance était si redoutable que dans l'Antiquité, les Grecs n'osaient pas prononcer leur nom véritable de crainte de déclencher leur colère: par euphémisme ils les nommaient les Euménides -autrement dit les Bienveillantes.

Les Miscellanées de Mr.Schott. Ben Schott.